Pourquoi accueillir et reconnaître ses émotions

Accueillir, reconnaître et accepter nos émotions sans se laisser submerger est difficile, c’est l’apprentissage de toute une vie de ne pas essayer de gérer, contrôler ou repousser tout ce qui nous traverse, de ne pas vouloir catégoriser toute émotion comme « bonne » ou « mauvaise ».

Apprendre à écouter nos émotions et créer cette petite pause entre ressenti et action, c’est apprendre à mieux nous réguler émotionnellement.

Nos émotions ne sont pas nos ennemis

Les signaux corporels : la première langue des émotions

Avez-vous remarqué ? Avant même de pouvoir nommer ce que l’on ressent, le corps l’exprime. Les principales émotions tendent à s’exprimer ainsi (n.b.: cela peut différer selon les personnes et expériences):

  • Colère: chaleur, mâchoire serrée, épaules tendues,

  • Tristesse: sentiment de poids ou lourdeur, affaissement, manque d’élan,

  • Peur: ventre noué, sensation d’étouffer, tremblements,

  • Joie: légèreté, ouverture de la poitrine, énergie.

Selon Antonio Damasio (“L’erreur de Descartes”, 1994), la perception corporelle précède la conscience émotionnelle. Autrement dit : le corps sait avant que l’esprit comprenne.

Identifier les émotions sans les juger

Fermer les yeux. Respirer. Sentir ce qui se passe. Ne pas vouloir changer, ni repousser. Puis nommer l’émotion qui se présente: “Je ressens de la tristesse”. Recommencer s’il y a plusieurs émotions. Respirer. Sentir ce qui se passe. Accueillir.

C’est la première étape. Nommer pour aider la régulation émotionnelle. Nommer une émotion active le cortex préfontal, en particulier du cortex préfrontal ventrolatéral (CPV), en particulier dans l'hémisphère droit.

Nommer une émotion permet un « frein » cognitif sur la réponse émotionnelle brute

Le cortex préfrontal est le siège de nos fonctions exécutives (le raisonnement, la prise de décision, la planification et, crucialement, la régulation émotionnelle). En l'activant, vous passez d'une réaction émotionnelle automatique (dirigée par des structures plus primitives) à une analyse cognitive de l'émotion. Cela permet de prendre du recul.

L'activation du cortex préfrontal est corrélée à une réduction de l'activité de l'amygdale (le centre de la peur et de la détection des menaces dans le cerveau).


Source: Putting feelings into words: affect labeling disrupts amygdala activity in response to affective stimuli, (Lieberman et al., 2007)

L’apport de la pleine conscience dans la régulation émotionnelle

La pleine conscience propose une approche puissante en transformant la relation que nous entretenons avec nos émotions.

Selon Jon Kabat-Zinn, père fondateur du programme MBSR (Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience), il s'agit d'observer nos émotions sans vouloir les modifier, les considérant comme des vagues qui montent et descendent. À travers des pratiques comme le body scan, nous apprenons à ramener notre attention au corps, y détectant les signaux précurseurs de nos états intérieurs. Cette approche cultive des attitudes fondamentales telles que:

  • curiosité: observer l’émotion sans nous y attacher ou nous identifier,

  • le non-jugement: accueillir m’émotion sans jugement ou attachement.

La pleine conscience active notre cortex préfrontal, nous offrant un espace de recul où nous pouvons répondre plutôt que de simplement réagir, et nous aide à réaliser que les pensées liées à l'émotion (les jugements, les interprétations) ne sont que des événements, et non la réalité absolue.

En France, Christophe André renchérit en nous invitant à voir l'émotion comme un messager, à la nommer pour l'apprivoiser, et à développer une profonde bienveillance envers soi-même, une douceur mentale qui ralentit le flot de nos réactions. Il résume parfaitement cette sagesse : « Nous ne sommes pas nos émotions, nous les traversons. »

La pleine conscience nous donne ainsi les outils pour nous désidentifier de nos tourmentes intérieures et naviguer les complexités de notre paysage émotionnel avec plus de sérénité et de clarté.

Ressources:

  • Podcast Christophe André: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/trois-minutes-a-mediter

  • Programme MBSR en ligne: https://palousemindfulness.com/index.html

  • John Kabat Zinn: https://jonkabat-zinn.com/

  • Ecouter méditations pleine conscience (gratuites):

    • Balayage corporel (body scan): https://insig.ht/FhBUQqNNhYb?utm_source=copy_link&utm_medium=live_stream_share

    • Méditation d’attentionnés focalisée: https://insig.ht/ofD5QGUNhYb?utm_source=copy_link&utm_medium=live_stream_share

L’apport du yoga dans la régulation émotionnelle

Le yoga est une discipline psycho-corporelle d’origine indienne qui combine postures (āsanas), exercices respiratoires (prāṇāyāma), concentration, méditation et éthique de vie. Il vise à harmoniser le corps, le souffle et l’esprit.

Sources: T.K.V. Desikachar, The Heart of Yoga, 1995, B.K.S. Iyengar, Light on Yoga, 1966, Patanjali, Yoga Sūtra.

Le rôle central du souffle (Pranayama)

Le souffle (pranayama) est l'outil de régulation le plus direct du yoga. Il agit sur le système nerveux autonome. Des techniques spécifiques, comme l'ont démontré des recherches (Brown & Gerbarg, 2005), permettent de moduler notre état interne : les inspirations plus longues peuvent stimuler l'action, tandis que les expirations lentes et prolongées stimulent le système parasympathique et apaisent l'esprit et le corps.

Ressources:

Le corps comme miroir

La pratique des postures (asanas) met en lumière la façon dont l'émotion s'est inscrite physiquement. Selon B.K.S. Iyengar (Light on Life), les tensions révèlent où l'énergie émotionnelle est bloquée : souvent dans le bassin, le ventre, la mâchoire, ou les épaules. En travaillant ces zones, le yoga vise à libérer le corps pour rétablir une circulation émotionnelle fluide.

Le rôle des Chakras

Le yoga structure la compréhension émotionnelle à travers le concept des chakras, des centres énergétiques associés à des registres émotionnels précis, notamment :

  • Le chakra Racine (rouge) est lié à la peur et à l'insécurité.

  • Le chakra Sacré (orange) régit le plaisir, la fluidité et les émotions dans leur ensemble.

  • Le chakra du Plexus Solaire (jaune) concerne la confiance et la colère.

  • Le chakra du Cœur (vert) est le siège de l'amour, de la tristesse et de la compassion.

En travaillant sur ces centres énergétiques (via par exemple des postures, le souffle et la méditation), le yoga cherche à harmoniser ces énergies, prévenant ainsi leur stagnation et l'émergence de déséquilibres émotionnels intenses.

Ressource: écouter la méditation des chakras (couleurs et émotions).

L’apport du Qi Gong dans la régulation émotionnelle

Le Qi Gong offre une perspective millénaire sur la régulation émotionnelle, profondément ancrée dans les principes de la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC). Plutôt que de simplement gérer ou d'observer une émotion, le Qi Gong vise à la transformer en une énergie plus neutre ou positive. Le mouvement doux et la respiration consciente sont utilisés pour remettre en circulation ce qui était figé, rétablissant le flux du Qi. En travaillant sur les méridiens et en harmonisant le corps, le Qi Gong empêche l'énergie émotionnelle de se bloquer (par exemple, la colère dans le Foie), permettant ainsi aux émotions d'être vécues et relâchées de manière fluide et saine, assurant un retour rapide à l'équilibre interne.

Ressources:

Quelques exercices simples de régulation émotionnelle

Accueillir ne veut pas dire se confondre avec l’émotion. Dire « je ressens de la colère » n’est pas « je suis en colère ».C’est cette petite distance qui apaise la rumination et c’est ce qu’on entraîne : rester présent même dans l’inconfort.

  • Scan émotionnel, 3–5 min: une méditation de pleine conscience (type body scan) pour porter doucement l'attention sur différentes parties du corps, détecter les tensions, et nommer ce qui émerge sans juger. Ecouter un exemple.

  • Souffle coloré (Couleur = émotion + chakra), 5 min: associer une respiration consciente à une couleur liée à l’émotion et au chakra correspondant, pour nourrir la zone émotionnelle et relâcher la tension. Ecouter un exemple.

  • Méthode STOP, 1 min: Stop – Respire – Observe – Poursuis, un reset express MBSR qui permet de créer une pause consciente au moment où l’émotion monte. Regarder un exemple qui mêle posture et pleine conscience.

  • L’arbre qui respire (Qi Gong), 5 min: debout, pieds bien ancrés, respirer en levant les bras (inspiration), puis redescendre les bras en expirant pour visualiser l’émotion qui se dissout vers le sol.

  • Geste du cœur (Pratique de compassion, Neff & Germer, 2013), 3 min: Poser les mains sur le cœur et le ventre, respirer doucement, reconnaître l’émotion présente et se souhaiter compassion et douceur.

Conseils pour les parents

Petits (3–7 ans)

  • Parler en couleurs : « Où est ta colère jaune ? »

  • Jeux de souffle : bougie, vent léger, dragon.

Enfants (7–12 ans)

  • La "pause-émotion" : 3 respirations avant de répondre.

  • Mini-journal : « Aujourd’hui j’ai ressenti… dans mon corps… ».

Ados

  • Rappeler que l’émotion ≠ identité.

  • STOP dans les moments intenses.

  • Courtes marches conscientes.

Au travail : revenir vite au calme

  • Micro-pause 30 sec : souffle long, relâcher la mâchoire, sentir les pieds.

  • Revenir au corps avant de prendre la parole.

  • Nommer intérieurement : « stress », « peur », « irritation ».
    Cette lucidité diminue la réaction automatique

Accueillir nos émotions, sans jugement ni attachement, nous permet chaque jour de créer un espace pour vivre et agir

Accueillir nos émotions, ce n’est pas les contrôler ni les fuir. C’est apprendre, pas à pas, à créer une petite pause entre ce que l’on ressent et ce que l’on fait. Le corps nous parle en premier, la pleine conscience nous aide à écouter, le yoga et le Qi Gong remettent du souffle et du mouvement là où ça se figeait.

Nos émotions ne sont pas un problème à résoudre : ce sont des messages à entendre.

Avec quelques minutes d’attention, de respiration, et un peu de douceur envers soi, il devient possible de retrouver ce calme intérieur qui clarifie, apaise, et nous ramène à ce qui compte vraiment.

Et pour nos enfants, c’est un apprentissage clef pour bien grandir et bien se sentir tout au long de leur vie.

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